Lorsque l'on s'ennuie, l’œil rivé à sa montre, le cerveau n'est pas activé, le temps semble plus long comme dénué de sens.

En milieu professionnel, l'ennui peut mener au bore out, qui toucherait 63% d'entre nous, dont 30% vivraient ce phénomène comme toxique et comme un pas vers la dépression. A la maison, nous voyons d'un mauvais œil l'ennui de nos enfants, anticipant leurs attentes à venir et le besoin d'être en permanence occupés.
Culturellement et par notre éducation, on n'a pas le droit de s'ennuyer. S'ennuyer est mal vu, culpabilisant voire tabou.

Et s'il était bénéfique pour notre bien-être de prendre le temps de s’ennuyer un peu ?

Notre cerveau ne s’arrête jamais de « travailler », même lorsque nous dormons ou que nous ne faisons rien. En effet, Bernard Mazoyer, spécialiste de neuro-imagerie cognitive à l’université de Caen, a notamment démontré que le travail du cerveau est toujours à 100% de ses capacités, que l’on soit consciemment concentré sur une tâche ou non. Pour le professeur, l’activité cognitive consciente consomme seulement 1% de l’énergie utilisée par le cerveau.

Alors, qu’en est-il de l’activité non-consciente ?

Avant lui, Marcus Raichle, chercheur en neurologie, a observé que certaines aires cérébrales, et particulièrement celles impliquées dans la mémorisation, s’activent lorsque le cerveau n’est pas focalisé sur une tâche spécifique. On parle alors de réseau par défaut.

Pour simplifier, on peut dire que le réseau par défaut joue un rôle important dans la mémorisation, la créativité et la rêverie. Et on comprend finalement mieux l’intérêt d’offrir un temps de repos au cerveau.

Lorsque nous ne faisons rien, nous faisons alors appel à nos ressources personnelles pour tromper l’ennui. Nous sommes plus à l’écoute de notre monde intérieur, de nos envies et de nos goûts. Lorsque nous nous ennuyons, nous prenons le temps d’observer ce qui se passe autour de nous. Découvrir notre environnement, avec un nouveau regard, nous permet de développer notre monde imaginaire.
Chez un enfant, l’ennui est indispensable. C'est ce qui poussera à utiliser son imagination pour trouver des moyens de s’occuper, à s'inventer des histoires.

Et voilà qu’une simple feuille de papier enroulée autour d'un carton d’essuie-tout devient la longue-vue d'un pirate ou qu'un simple rouleau d'aluminium fait le bonheur d'un futur cosmonaute !

Une étude très sérieuse sur le sujet a été menée par deux chercheuses britanniques en psychologie, Sandy Mann et Rebekah Cadman. Pour arriver à ce résultat, elles ont demandé à un échantillon de personnes de réaliser des tâches rébarbatives, de type recopier les numéros d’un annuaire, pendant 15 minutes. À la suite de cela, elles ont fait réaliser une activité plus créative à ces mêmes personnes. Elles ont procédé à la même expérience avec un autre groupe, sans leur faire faire le travail fastidieux avant. Il s’est avéré que les réalisations du premier groupe étaient plus astucieuses que celles du second.

Elles ont reproduit l’expérience en demandant à un autre échantillon de faire le même exercice en lisant simplement les numéros de l’annuaire à haute voix. La conclusion étaient encore plus surprenante. Cette étude a révélé que plus les activités sont passives et ennuyeuses, plus elles sont stimulantes pour la créativité.

L’ennui est formateur. En effet, lorsque l’enfant doit réfléchir seul à ce qu’il pourrait faire pour se divertir, il développe non seulement sa créativité mais aussi son autonomie. Le jeu libre lui permet de faire ses propres choix et de prendre ses décisions. Il gagne aussi de la confiance en lui, lorsqu’il réalise que ses parents le laissent agir sans contradiction.

L’enfant a tout intérêt à apprendre à jouer seul, sans faire appel à l’aide extérieure.

Elle le prépare à la solitude qu’il saura appréhender sans angoisse lorsqu’elle apparaîtra et à être indépendant.

En fin de compte, en laissant libre court à son imagination, on puise dans ses ressources personnelles et on choisit de faire ce qui nous plaît le plus.

Rêver, laisser de la place à de nouvelles pensées, créer, explorer, tout cela permet de se développer et ainsi de découvrir ce que nous aimons, nos intérêts, nos besoins et en définitive, de savoir qui nous sommes.